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Au fur et à mesure que ces branches se développent vers le haut et vers l'extérieur avec chaque nouvelle génération, il devient de plus en plus indispensable de disposer d'un leader unificateur pour prévenir les conflits et survivre au-delà de la délicate troisième génération.
Alors, comment les entreprises familiales les plus pérennes d'Europe ont-elles réussi à trouver les dirigeants dont elles ont besoin pour prospérer ?
Nous nous sommes associés à l'université Bocconi pour mener des entretiens approfondis avec des dizaines de dirigeants de certaines des entreprises familiales les plus prospères d'Europe, afin d'en savoir plus sur la manière dont ils gèrent la succession.
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250+ |
entreprises familiales |
entretiens dirigeants |
années cumulées d'activité |
Voici les trois constats clés que nous avons tirés de nos recherches.
Les fondateurs d'entreprises familiales imaginent souvent que leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants dirigeront un jour l'entreprise. Il ne leur vient jamais à l'esprit l'idée que leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants auront peut-être leurs propres rêves, ou qu'ils n'auront peut-être pas le sens des affaires ou les bonnes compétences de direction.
Cela peut sembler évident, mais le meilleur choix de futur CEO de votre entreprise familiale ne sera pas forcément un membre de la famille. En fait, il est surprenant de constater que huit familles sur dix ont eu un CEO non membre de la famille à la troisième génération.
Pour certains, l'idée de confier les rênes à quelqu'un d'extérieur à la famille serait un acte de trahison, ou une sorte d'aveu d'échec - surtout pour ceux qui vivent encore dans l'ombre du fondateur et de son héritage.
Mais ce choix pourrait être le meilleur moyen d'assurer un avenir solide à l'entreprise (et par conséquent à la famille) pour les générations à venir. Forcer les membres de la famille à assumer des responsabilités dont ils ne veulent pas - ou pour lesquelles ils ne sont pas qualifiés - aura inévitablement des répercussions sur l'entreprise, et à terme sur l'harmonie familiale.
Au contraire, confier la gestion quotidienne de l'entreprise à des personnes extérieures à la famille - comme l'a fait Porsche - peut aider à tracer une ligne de démarcation entre la famille et l'entreprise, empêchant ainsi les conflits familiaux d'entraver la prise de bonnes décisions d'affaires. Un dirigeant extérieur à la famille serait aussi plus ouvert à l'idée d'orienter l'entreprise dans de nouvelles directions et de la faire évoluer vers des secteurs inexplorés, plutôt que de se contenter de suivre la ligne traditionnelle de la famille.
L'embauche des meilleurs talents en dehors de la famille présente un autre avantage : elle incite les membres de la famille qui souhaitent jouer un rôle actif dans l'entreprise à travailler dur et à mériter leur poste, plutôt que de s'attendre à être nommé d'office. Cela leur permet de savoir que s'ils veulent obtenir le poste le plus important, ils devront être capables de rivaliser avec les meilleurs du secteur, non pas seulement avec les meilleurs de la famille.
L'idée clé Pensez toujours à regarder plus loin que son propre patrimoine génétique. La priorité est de trouver la personne la mieux qualifiée pour le poste, qu'elle soit de la famille ou de l'extérieur. Pour les membres de la famille qui souhaitent jouer un rôle actif et significatif au sein de l'entreprise, il existe encore de nombreuses façons de s'impliquer sans avoir à "mettre la main à la pâte".
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Que signifie être un leader fort ? Le mot "fort" peut laisser entendre qu'il s'agit d'une personne qui dirige avec sang-froid et fermeté. Mais au sein d'une entreprise familiale, le dirigeant doit faire preuve de dextérité pour inciter la famille à dépasser ses différences personnelles afin de se concentrer sur l'entreprise. En fait, les dirigeants de nos dix entreprises familiales étaient très souvent des personnes chaleureuses, attentives et généreuses, qui s'entendent bien avec tous les membres de la famille élargie (même les plus difficiles).
Ce que l'on constate, c'est que les dirigeants d'entreprises familiales - qu'ils fassent partie ou non de la famille - sauront toujours éviter un comportement de froideur et de détachement. Ils savent faire preuve d'une grande intelligence émotionnelle, d'une grande discrétion, et de diplomatie. Selon l'un d'eux, "un chef de famille est quelqu'un qui doit tout savoir, mais agir comme s'il ne savait rien". Ils veillent également à ne jamais dire du mal des autres membres de la famille en public, ou ailleurs. Si des discussions difficiles ou sensibles s'imposent, elles se dérouleront toujours en tête-à-tête, à huis clos.
En même temps, il leur arrive d'être plutôt durs avec les membres de la famille lorsqu'il le faut, n'ayant pas peur d'interpeller un des leurs s'il est dans l'erreur ou s'il fait passer ses intérêts personnels avant ceux de l'entreprise. Ceci est possible car tout le monde comprend le but recherché, à savoir faire ce qu'il y a de mieux pour l'entreprise et non pas imposer sa propre volonté ou agir avec égoïsme.
Il en va de même pour les dirigeants extérieurs des entreprises familiales. Lorsque nos dix familles recrutent les meilleurs talents en dehors de la famille, elles recherchent notamment la capacité à s'entendre avec la plupart de ses membres (ou du moins à susciter le respect). Elles évaluent leurs managers, directeurs et consultants non seulement sur leurs performances commerciales, mais aussi sur leur capacité à comprendre la dynamique familiale.
L'idée clé Priorité au QE (quotient émotionnel): recherchez des dirigeants qui font preuve d'intelligence à la fois rationnelle et émotionnelle, qui sont capables de passer savamment d'une compétence "forte" à une compétence "douce". Ils devront être capables de prendre des décisions difficiles, d'écouter et de trouver le juste équilibre entre la générosité et la détermination.
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Comme toute organisation, les entreprises familiales ont besoin d'un flux constant de dirigeants à tous les niveaux, afin de s'assurer qu'à mesure qu'une génération s'éloigne, la suivante (les suivantes) est (sont) prête(s) à prendre la relève. Comme dans une course de relais, une génération passe le témoin de manière transparente, quasiment sans interruption.
Nos dix familles savent que ce flux constant de talents n'est pas le fruit du hasard. Ainsi, tout en gardant un œil sur le marché externe des talents, elles cherchent également à développer en permanence les futurs leaders potentiels au sein de la famille.
Il est essentiel qu'elles engagent très tôt les membres de la famille à fort potentiel, en restant ouvertes à leurs idées et en leur donnant les plateformes et les outils nécessaires pour les concrétiser. Par exemple, un membre de la famille Sella de la génération suivante a eu l'occasion de faire avancer ses idées sur l'innovation du modèle d'entreprise, ce qui lui a permis de se distinguer et d'évoluer dans une carrière qui l'a finalement mené à un poste de direction.
Et au Groupe SEB, une équipe de leaders de la nouvelle génération a proposé la création d'un véhicule financier qui a ensuite été utilisé par la famille pour acheter des actions de l'entreprise publique familiale. Ce faisant, on a renforcé le contrôle familial de l'entreprise qui avait été affaibli au fil des ans lorsque certains membres de la famille avaient vendu leurs parts.
En engageant ses futurs dirigeants dès le début, ces entreprises familiales savent que si elles décident à l'avenir que c'est au tour de la génération suivante de diriger le navire, ces personnes pressenties ont déjà acquis l'expérience de première main, ainsi que les connaissances et les compétences de leadership pour bien gérer.
Cependant, nos entreprises familiales reconnaissent aussi que le monde des affaires ainsi que les compétences requises ne sont ni au goût ni à la portée de tout le monde. Elles permettent donc aux membres de la famille d'assumer des rôles au sein du conseil de famille ou de la fondation familiale, ou d'être le fer de lance dans les domaines tels que la durabilité et le bien-être qui leur tiennent à cœur.
La tâche d'aligner les membres de la famille sur les différents rôles de leadership incombe souvent à un "orchestrateur du leadership", qui peut émerger au cours de la deuxième ou troisième génération. Mais il incombe également au président ou au CEO de faire passer le message selon lequel le poste de direction n'est pas le seul qui compte - que de nombreux postes exécutifs existent pour donner à chaque membre de la famille la possibilité de jouer un rôle actif dans l'entreprise, à sa manière.
L'idée clé Commencez tôt: Ne pensez pas uniquement à la génération suivante, pensez aussi à celle d'après. Essayez d'imaginer comment leurs talents, leurs passions pourraient s'intégrer dans l'entreprise familiale à l'avenir - donnez-leur les outils et les ressources nécessaires pour développer ces compétences. Pensez aussi à aider les membres de la famille qui ne sont pas intéressés par des postes au sein de l'entreprise à développer leurs compétences en matière de leadership, par exemple en leur offrant la possibilité de faire partie de la fondation familiale ou du conseil de famille.
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